avec Camille, favorisée de la duègne, qui gouvernait absolument le père. Les soins du galant ayant changé d’objet, on eût bien désiré de l’éliminer, mais sous quel prétexte ? On devait des égards à sa naissance, à son état : il était homme à faire un mauvais traitement à qui se fût opposé à ses assiduités ; cependant, la jalouse Camille avait d’abord beaucoup souffert des entrées libres du chevalier ; elles devenaient désormais nécessaires à l’exécution du fatal projet. La vengeresse était toujours pourvue de poisons subtils : il ne s’agissait plus que de trouver occasion d’en faire usage.
Le hasard voulut que d’Aiglemont, se trouvant le lendemain de bonne heure chez les Fiorelli, Argentine l’invitât à prendre du chocolat en famille. La sœur et le frère unirent leurs invitations : d’Aiglemont accepta.
Ce fut la rancuneuse Camille, dont on était bien éloigné d’interpréter la perfide joie, qui se chargea de donner les ordres nécessaires. Elle alla trouver l’exécrable duègne, qui se mit aussitôt à l’ouvrage. On convint d’apporter le chocolat tout versé dans quatre tasses : deux blanches empoisonnées, dont Camille aurait soin de présenter, l’une au chevalier et l’autre à sa sœur ; et deux coloriées, naturelles, dont une serait pour le frère et l’autre pour Camille elle-même. Le père Fiorelli était déjà depuis longtemps à la taverne. Le crime ainsi concerté, Camille rejoignit la compagnie…
Mais à peine fut-elle rentrée qu’un frisson violent agita tous ses membres ; son visage devint pâle, livide… elle s’évanouit. On s’empressa de la secourir, on lui fit respirer des sels : elle revint… « — Ah ! mes amis, que je suis heureuse », s’écria-t-elle avec une espèce de transport, voyant qu’on n’avait pas encore servi le chocolat, « mes chers amis, gardez-vous de goûter du fatal breuvage qui va paraître… il y va de tes jours, ma pauvre Argentine… et des vôtres, cruel », tendant en même temps les mains à sa sœur et au charmant chevalier.
Puis elle leur conta ce dont il s’agissait, comment son abominable confidente l’avait excitée au fatal projet, comment elle avait eu la faiblesse de s’y prêter. Sa confession était