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l’aimable Fiorelli. Sans cesse, il était chez nous, mais on le gardait pour ainsi dire à vue. Bientôt, je fus sûre que le soir, faisant semblant de se retirer, il rentrait et partageait le lit de mon heureuse rivale. Je n’avais pas aussi régulièrement le chevalier. Il imaginait mille mensonges pour me dérober la connaissance de ses perfidies. Tantôt un souper, tantôt une partie de jeu poussée trop avant la nuit, tantôt le soin de sa santé, de la mienne, l’avait empêché de se rendre auprès de moi. Ses caresses étaient languissantes. Je ne pouvais me dissimuler qu’il était épuisé, ou, ce qui me faisait encore plus de peine, qu’il se ménageait peut-être avec moi pour briller ailleurs.

Thérèse m’aimait : elle avait de l’esprit, de l’imagination ; tout ce qui concernait l’amour était pour elle une affaire sérieuse, dont elle était toujours prête à se mêler. Je crus pouvoir lui confier mes peines et leur cause, et je fis bien. Je reçus, en effet, de cette bonne fille tous les secours dont je pouvais avoir besoin.

« — Ce beau M. Fiorelli, me disait-elle, n’est rien moins qu’insensible, je vous l’assure ; et madame votre tante ne le tient pas si fort en son pouvoir que vous ne puissiez vous-même bientôt le posséder. Vous piquez ma générosité, mademoiselle, et vous forcez mon secret dans ses derniers retranchements. Apprenez donc que votre bel Italien n’est point amoureux de madame. » Mon sang recommençait à circuler ; mon cœur se dilatait ; Thérèse me rendait la vie. « Je ne sais, continua-t-elle, quelle timidité déplacée a pu empêcher le jeune objet de votre amour de vous déclarer tout celui qu’il a pour vous. Sans doute il mesure la difficulté de vous intéresser au désir qu’il aurait d’y réussir. Quoi qu’il en soit, M. Géronimo vous aime, il me l’a dit ; et n’osant vous l’avouer à vous-même, il m’avait souvent sollicitée de vous pressentir. »

Je grondai Thérèse d’avoir refusé de rendre un service, qui, par contre-coup, m’aurait beaucoup obligée ; mais elle m’avoua franchement que, trouvant aussi Géronimo fort à son gré et se croyant assez jolie pour mériter quelque atten-