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preuves d’intérêt qui me permettent de vous nommer notre véritable ami, je jure, dis-je, que jamais l’infâme Caffardot ne sera mon époux ; hélas ! je n’ai qu’une faute à déplorer : c’est d’avoir caché trop longtemps à mes tendres parents les vues abominables que le suborneur couvrait du voile hypocrite de la dévotion. Depuis plus d’une année il ne cessait de me tendre des pièges. J’espérais toujours que, cédant enfin à ses propres remords et corrigé par l’exemple de l’honneur que lui donnait ma résistance, il renoncerait enfin à ses damnables projets ; mais je me suis abusée !… et qu’il m’en coûte cher aujourd’hui ! — Nouveau torrent de larmes… délire de douleur.

« Je voyais le bon papa prêt à fondre en larmes ; j’ai pensé que les miennes, ou du moins le semblant d’en répandre, produirait un admirable effet dans cette importante conjoncture. J’ai donc détourné la tête, et tirant mon mouchoir, j’ai caché mon visage, riant d’aussi bon cœur que les autres pouvaient me soupçonner de pleurer et pleuraient réellement eux-mêmes. Le sensible président serrait dans ses bras sa vertueuse progéniture ; Éléonore jouait son rôle avec beaucoup de majesté. Je n’y tenais plus ; je me suis emparé de la culotte, et sortant brusquement de la chambre j’ai feint un emportement qui pouvait signifier que j’allais confondre Caffardot et le punir de sa lâche imposture. — Arrêtez-le, mon père, s’est écriée la généreuse Éléonore, courez, empêchez le sang de couler… — Mais je suis alerte ; en deux sauts j’étais loin du président, et je me suis rendu sans obstacle à la chambre du dévot suborneur. »