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pas, me dis-je alors, que ce M. Caffardot, qu’il s’agissait de mortifier, soit trop la dupe de cette aventure : il couche avec une très jolie fille, il se croit possesseur de l’objet dont son cœur est rempli ; s’il fait, selon ses idées, une grande perte pour l’autre vie, du moins il trouve la clef de ce qui fait l’unique bonheur de celle-ci ; où donc est sa disgrâce ? Mademoiselle Thérèse, l’objet est manqué. Le tempérament a trahi la colère, et Caffardot a tout l’avantage du stratagème que vous aviez imaginé contre lui. Je pouvais ne pas raisonner juste ; et l’on verra en temps et lieu que je me trompais ; je raisonnais, du moins, selon les apparences. Mais, ajoutais-je à mes réflexions, si Thérèse s’est oubliée, rien ne m’oblige, moi, qui ne goûte point M. Caffardot, à le laisser jouir paisiblement de son bonheur. Ménageons à cet idiot quelque sujet de se repentir de sa faiblesse… — Cependant j’avais beau chercher dans ma tête, je n’y trouvais rien qui répondît à la malignité de mon intention… Lui donner l’alarme d’être surpris ! Il en était quitte pour s’évader ; la fausse Éléonore, qui n’était point prévenue, pouvait me seconder mal. Je ne vis rien de mieux à faire que de détourner quelque pièce essentielle des vêtements du coupable. La culotte fut la première chose qui me tomba sous la main. Je m’en emparai, ayant préalablement ôté une bourse, une montre et des clefs que je remis dans les poches du justaucorps. J’attendis ensuite dans mon lit ce qui pourrait arriver de cette importante soustraction.

Mais les ronflements ne finissaient point ; je perdis enfin patience, et fus tirailler Thérèse, que j’appelai plusieurs fois tout bas Mlle  Éléonore. Elle eut à son tour bientôt éveillé Caffardot, qui, supposant leur aventure découverte par la femme de chambre, se crut perdu, sortit du lit, rassembla maladroitement ses habits, chercha longtemps sa culotte, mais en vain, partit cependant, traînant avec assez de bruit les boucles de ses souliers sur le parquet, et ferma la porte qui se plaignit encore beaucoup. Le pauvre diable craignait apparemment que la duègne d’Éléonore ne se mit à ses trousses. Ce ne pouvait être qu’elle qu’il venait d’en-