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ne devait point être à son aise, tandis qu’il eût dépendu d’elle de pousser jusqu’à la ville, où, sachant ses raisons, on lui aurait volontiers permis d’aller nous attendre. — Moi ! mademoiselle, répondit-elle avec vivacité, j’aurais manqué cette occasion de voir et d’embarrasser ces vilaines gens ! Tout mon chagrin est de n’en pas avoir été remarquée et de penser qu’ils ignorent peut-être encore qu’ils donnent l’hospitalité, cette nuit, à leur plus mortelle ennemie. Je leur en veux à tous. Soyez assurée, mademoiselle, que je me vengerai tôt ou tard d’Éléonore, et surtout de ce plat imbécile de Caffardot : il passera par mes mains, je vous le jure… et il s’en repentira. Ce singulier entretien nous conduisit jusqu’au moment d’éteindre les lumières : nous nous mîmes au lit.

Je commençais à m’endormir quand Thérèse, debout, vint me tirer doucement par le bras et me dit : — Voulez-vous, mademoiselle, être témoin d’une bonne scène ? Levez-vous, s’il vous plaît ; enveloppez-vous chaudement et suivez-moi près de la fenêtre : le tendre Caffardot est dans le jardin. Il vient de faire le signal ordinaire, croyant sans doute sa chère Éléonore dans cet appartement. Il faut nous divertir aux dépens du nigaud. Pour Dieu, levez-vous et venez nous écouter.

Une espièglerie de cette nature avait pour moi trop d’attraits et le ridicule du personnage promettait trop, pour que la crainte d’un peu de froid me fît rejeter la proposition. Je m’arrangeai de mon mieux et sus me placer. Thérèse entr’ouvrit la croisée, puis il y eut entre elle et Caffardot l’entretien que je vais rapporter.

— Est-ce vous, adorable Éléonore ? — Oui, mon cher Caffardot, c’est moi. C’est votre amante qui vous défend de lui donner jamais aux dépens de votre santé des témoignages d’un amour… dont elle a déjà reçu tant de preuves, que son sensible cœur en est à jamais pénétré de reconnaissance. — Ah ! ma belle demoiselle, que cet aveu m’enchante !… Mais, dites-moi, n’avons-nous rien à craindre de la part de votre femme de chambre ? Est-elle