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n’avais point de dot et qu’il aurait dû ménager pour son propre intérêt. Ma maîtresse n’avait qu’un mois d’avance sur moi. Je commençais à peine à être sûre de mon fâcheux état que notre faiseur d’enfants fut obligé de rejoindre son régiment, qui s’embarquait pour l’Amérique. Il était en retard. Au dernier moment il prit la poste et vola ; mais son excessive diligence lui valut une pleurésie dont il mourut.

« Imaginez, mademoiselle, l’embarras des deux veuves ! Nous nous le cachâmes cependant réciproquement et songeâmes chacune de notre côté à nous tirer d’affaire. J’avais une ressource assurée, c’était de lâcher un peu la bride à M. le président, qui n’aurait pas manqué de donner tête baissée dans le panneau. Mais ce vilain homme me répugnait si fort que je ne pus prendre sur moi de me donner à lui. Ce M. Caffardot avec qui vous avez soupé faisait depuis longtemps une cour respectueuse à ma maîtresse. Il avait tâché de me mettre dans ses intérêts par des petits présents mesquins, et je le servais tout au mieux depuis notre arrangement avec l’officier. Il y avait donc entre nous un commerce d’amitié. Si ce grand flandrin-là n’était pas si bête, et s’il n’avait pas reçu une éducation bigote, qui fait qu’à son âge il est plus novice qu’un enfant de sept ans, vous verriez, mademoiselle, qu’il ferait mieux que bien d’autres ; il est assez bien bâti, n’est-ce pas ? Ses traits sont passables, et cela paraît avoir de la santé. Je crus celui-ci de beaucoup préférable à M. le président pour l’exécution de mon projet. J’imaginais que quelques avances suffiraient pour m’attirer de la part du nigaud des propositions que j’aurais bien vite agréées ; alors il eût bien fallu qu’il se chargeât de mon posthume ; mais si Mlle Éléonore, qui s’en proposait autant, ne put faire enfreindre à Caffardot son vœu rigoureux de chasteté, quoiqu’il fût très épris et que par mes soins il passât toutes les nuits quelques heures avec elle, il ne faut pas s’étonner de ce qu’il ne voulut jamais répondre à mes agaceries. Vous l’avouerai-je, mademoiselle, cette résistance convertit en véritables désirs ce qui d’abord n’était que