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Diavolo. A propos de quoi ! rappellés-vous que la première fois que nous la vimes, (c’était un dimanche, comme elle prenait de l’eau benite à l’église en même tems que nous) vous me dites, (en commençant par un f… bien articulé) voilà une petite coquine à qui je le ferais bien !… Cela était fort galant assurément ; mais par malheur cela prit fort mal, et depuis ce tems là elle n’a cessé de dire que vous êtes un fier insolent.

La Ricanière. Mr . Diavolo : j’ai envie de voue mettre pour quelques mois chés un apoticaire…

Diavolo. A quoi bon, Monsieur !

La Ricanière. Pour vous apprendre à dorer les pilulles. — Après.

Diavolo. Le dimanche suivant vous vintes, en joli frac, voir danser la communauté. Vous ne vites pas derrière vous, comme je le vis moi, Jannette qui vous montrait à l’oncle de Dorothée, et qui lui disait, (cet oncle est un cavalier de Maréchaussée) : Je gage Mr . Tonnère, que vous avés hapé dans votre vie bien des coquins qui n’en avaient pas autant la mine que ce beau Monsieur là !

La Ricanière. Je pense, Mr. Diavolo, que vous vous faites un jeu de m’outrager…

Diavolo. Prenés que je n’ai rien dit, Monsieur, poussés votre pointe, vous verrés comment vous serés reçu…

La Ricanière. Ecoutés bien ceci, Mr. Diavolo. (il le saisit au poignet, d’un air préparé) J’avais un assés médiocre caprice pour cette fille… qui n’est pas au surplus un prodige de beauté…

Diavolo. Ne me disloqués pas un bras, je vous prie… Eh bien ?

La Ricanière. Je jure que puisqu’elle l’a pris sur ce ton là, je l’aurai… je l’aurai, morte ou vive, Mr. Diavolo…