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étages, chargée d’une collation fine, assortie, s’avance à portée des assistans. En méme tems un meuble de deux pièces est approché de la cheminée par le Chevalier, ces deux pièces réunies forment un théatre fort commode pour les sçènes amoureuses. Un bon écran intercepte l’ardeur d’un feu clair, qui égaye l’appartement avec la vive lumière de plusieurs bougies. On projette ensuite quelque mode d’ébats où chacun puisse trouver son compte.

Mlle. de Franchemotte. Où il y a des dames, une demoiselle ne doit pas être la première à parler…

Mde. de Prudejoye. Quant à moi qui ne puis plus avoir d’habitude avec mon mari prêt à trépasser, et quand on sait qu’il y a huit jours, j’ai prouvé que je ne suis point grosse, je ne puis faire jouer les grandes marionettes, je serais prise à coup sur, et ce serait ensuite le diable à confesser avec une famille furieuse des avantages qu’on m’a fait…

l’Abbé. Toujours prudente ! Cela m’édéfie, moi.

Mlle. de Franchemotte. Notre amie a raison : ce n’est pas la peine pour un moment de plaisir, de perdre une fortune…

Le Chevalier. J’arrangerai Mde. de Prudejoye… (à Mlle. de Franchemotte) quant à vous, charmante.

Mlle. de Franchemotte. Moi ! je n’ai, dieu merci, à craindre de perdre ni fortune, ni réputation, je ferai tout ce qu’on voudra.

La Présidente. Et moi, je me sens d’une si grande paresse aujourd’hui, que je m’en tiendrai à voir… cela conviendra tout à fait à l’Abbé, qui m’y tiendra compagnie…

l’Abbé. Oh ! si l’on doit s’en tenir à voir, il faut tout voir. J’opine donc pour qu’on se mette in naturalibus : dans le costume de la vérité…

„ Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable : “

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