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LA PETITE ACADÉMICIENNE.




Si la confusion générale qui domine maintenant en Europe vient à cesser ; si des loix sages, venant à reprendre enfin un solide empire sur le tourbillon social, y ramenent les bonnes mœurs, y replacent chaque sèxe dans les bornes de son naturel et de ses devoirs ; si, dis-je, à la suite des tenebres du cahos actuel, le flambeau de l’innocence vient à briller, la postérité candide ne pourra croire à quel point, avant le nouvel âge d’or, s’était exaltée l’infame corruption, à quel degré de licence effrénée les hommes (les femmes y compris) se permettaient de se livrer ; comment, pour tout dire, un vice, s’associant à plusieurs autres, y trouvait un surcroit de force, lors de l’exécution de ses attentats, comme il y avait trouvé de l’encouragement, lors de la conception de ses honteux caprices… Honteux ! Ce n’est pas le mot. Le sujet même du tableau, dont nous allons donner l’explication, prouve que certaines gens avaient mis bas toute honte, et que loin de cacher à un tiers des succès de prostitution, on se plaisait au contraire à en consacrer le souvenir par des monumens durables.

De ce genre est la bisare cumulation qu’on a sous les yeux… Cette orgie se passe encore chés Mr . de la Grapinière, et notre estampe a été faite comme la précédente d’après le croquis original du peintre qui a exécuté en demie nature ces sujets pour les petits appartemens de Madame. C’est sous cette seule forme qu’elle a consenti que figurat chés elle l’antipathique effigie de son mari.

Nous savons déjà que c’était par famine que Mlle . de Valrose avait épousé le traitant, homme sans naissance, second financier de sa race, son père ayant été de ceux dont quelques vieillards disaient encore, il y a trente ans[1] ; je l’ai connu laquais avant qu’il fut commis.

  1. Vers du Méchant, comédie.