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Mlle . de Beaucontour. De tes deux adorateurs !

Lajoie. De tous deux. Aux champs, on est sans envieuse jalousie. Mes bergers sont Oreste et Pilade. A mon occasion, leur seule émulation est de se surpasser dans la tâche de me faire jouir des plus vives délices.

Mlle . de Beaucontour. Tu me fais un conte.

Lajoie. En tout cas, il n’est pas à dormir de bout ; car vous me paraissés diablement éveillé……

Mlle . de Beaucontour. Conte, ou non : je te défie de me prouver que tu m’as dit la vérité.

Lajoie. Que voulés-vous perdre, si je vous le prouve ?

Mlle . de Beaucontour. (follement.) La tête, mon cœur, avec l’un de tes bergers, si tu es assés généreuse pour me le prêter : et je promets d’oublier, dans cet impromptu pastoral, tous les vicomtes de l’univers.

Lajoie. (gaiement.) Eh voilà justement ce que j’avais envie de vous offrir ; superbe ! mais vous avés la tête si montée pour des colifichets de cour !

Mlle . de Beaucontour. L’ambition à ses heures, ma bonne amie, pourquoi le caprice n’aurait-il pas aussi les siennes ?

Lajoie. Enfin, je vous trouve raisonnable… En même tems Mlle . Lajoie jettant les yeux sur la rivière (qu’on voit des fenêtres) découvre une barque… Elle continue : Oh ! oh ! c’est par ma foi déjà la barque que j’avais commandée ! je ne l’attendais que pour six heures.

Mlle . de Beaucontour. Ce malentendu n’a rien de malheureux.

B