Page:Nemo - L’Amitié, 1884.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

voudraient, ce ne serait pas des amitiés, mais des conjurations.

Hélas ! si l’on vit avec la pensée qu’on ne se quittera jamais ; si l’on oublie que tout, en cette frêle existence, ne tient qu’à un fil, que la séparation, de quelque sorte qu’elle arrive, est dure !

Si, par un des cruels jeux du sort, nous sont ravies à l’improviste ces joies innocentes, dans quel repli funèbre ne demeurons-nous pas enveloppés !

Qu’autour de soi tout est morne et sombre ! Avec un ami, un désert n’est pas un désert. Non, point de Chartreuse, point de Kabylie ou de grand Sahara qui ne soit un monde vivant et enchanté.

Sans un être aussi cher, le point du globe le plus envié, où se remue un million d’hommes, n’est qu’une tumultueuse et insolite région qui n’offre qu’ennui et satiété, dont le bruit fait mal.

En vain, l’on étend ses bras dans l’espace ; en vain, l’on fait appel à celui que l’on aime.

On croit entendre ses pas, voir son ombre, on est le jouet de mille illusions.

La séparation de deux amis, l’un obligé de partir, laissant le plus cher objet de ses affections ; l’autre, voyant s’éloigner l’égal objet des siennes : sa pensée, son