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LE VIEUX MENDIANT

Et, gardant sa fierté, recevoir sans affront
Le secours d’un ami !… L’autre dimanche, au prône,
Le prêtre le disait : « Le bienfait de l’aumône
Doublement se répand, et profite surtout
À celui qui la fait ! »

JEAN

À celui qui la fait ! » Mais on n’est pas partout
Du même avis !… J’ai vu ta sœur.

ROSE

Du même avis !… J’ai vu ta sœur. Et que dit-elle ?

JEAN

Elle m’a rappelé notre dette cruelle
Et que, depuis longtemps, nos billets, sont échus !
Qu’il nous faut les régler, car ils n’attendront plus
Et si nous n’avons pas, ce soir, payé la dette,
L’huissier viendra demain faire ici maison nette !

ROSE

C’est impossible, Jean ! D’ailleurs, je vais la voir.
Elle ne voudra pas me priver de l’espoir
De conserver à nous, par un retour de chance,
La maison que mon père, en s’éloignant de France,
Me laissa comme dot ! Elle ne voudra pas,
Quand bientôt nous aurons l’hiver et ses frimas,
Voir nos pauvres petits traîner, les jambes nues,
Sans abri, sans foyer, dans la neige des rues !
Je vais la voir !

JEAN

Je vais la voir ! Reste ! Tu la verras ce soir,
Car elle doit venir, ayant encor l’espoir
Que nous pourrons payer ! Que, devant leurs menaces,
Nous trouverons de quoi calmer leurs cœurs rapaces !
Mais ne t’obstines pas à vouloir l’attendrir,
Ce serait temps perdu ! Elle verrait mourir
De faim nos deux enfants, sans un remords dans l’âme,
Sans aucune pitié !

ROSE

Sans aucune pitié ! Mais ce serait infâme !
Car, enfin, son mari ne pourra pas nier
Qu’il a de la fortune, et c’est lui le dernier
Qui devrait refuser de nous venir en aide !
Il a de jolis biens !

JEAN

Il a de jolis biens ! Oui, mais son âme est laide !
(On frappe)