Page:Nel - Le vieux mendiant, pièce en un acte en vers, 1930.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
LE VIEUX MENDIANT

LE MENDIANT

Heureusement ! Heureusement !

JEAN

Heureusement ! Heureusement ! La route est dure
Par cette fin d’automne, et la température
N’est pas clémente aux pauvres gens.

LE MENDIANT

N’est pas clémente aux pauvres gens. Mais c’est alors
Qu’il fait un temps à ne pas mettre un chien dehors !…
Pas même un vagabond !

JEAN

Pas même un vagabond ! Ici, rien de la sorte
Ne vous arrivera. D’ailleurs, à notre porte,
Nous n’avons pas besoin de chien pour parader
Car notre pauvreté suffit à nous garder.

LE MENDIANT

Quoi ?… Votre pauvreté ?… Pardon si je m’étonne,
C’est surprenant de voir un pauvre qui me donne
Ce qu’un riche m’a refusé !… Vous n’avez rien
Et vous faites la charité ?… Mais c’est très bien !

JEAN

Oh ! J’aimerais pouvoir en faire davantage
Afin de compenser ce que, dans le village,
Les gens ont fait pour nous. Presque tous nos voisins
Nous ont bien secourus !… Tous… à part quelques-uns !

LE MENDIANT

Quelques-uns comme ceux qui m’ont fermé leur porte…

JEAN

Oui ! ceux-là justement, qui vont agir en sorte
Que demain nos enfants n’auront plus de maison.

LE MENDIANT

Il faudra bien qu’un jour, ils en rendent raison !
Mais ils seront punis ! Cela, je vous l’assure !…
Ils seront bien punis !… Devant Dieu, je le jure !

JEAN

Je ne leur en veux pas ! Ils aiment trop l’argent
Et leur orgueil rougit de me voir indigent.

ROSE (entrant avec un bol fumant)

Voilà ! J’ai pris du temps !… Je n’avais plus de braise
Et la bise du nord soufflait dans ma fournaise !…
Buvez cela bien chaud !… Ensuite… vous aurez
Un bon morceau de lard et des rillons dorés.