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LE CRIME D’UN PÈRE

LA VIE CANADIENNE LITTÉRATURE ET LITTÉRATEURS (SUPPLEMENT AU "ROMAN CANADIEN”) No 41 Février 1930. DU STYLE EN HISTOIRE Pour avoir dit dans mon article sur la “Petite histoire’’, paru dans ces pages (décembre 1929), que Benjamin Suite, E.-Z. Massicotte et autres offrent à nos travailleurs la bonne méthode pour connaître le passé, un auteur de seconde classe m’écrit que ces annalistes ne sont pas des littérateurs classiques et qu’ils n’ont pas de chance de survivre. Oh ! c’est beaucoup trop dire ! Ils ne sont pas des classiques, je l’avoue, mais en quoi pourrait servir le classicisme dans la petite histoire ? Le classique, en face d’un passage interrompu, bouche simplement le trou. Le chroniqueur va suivant le fait, et il a raison. Enfin, ce dernier, qui procède autrement que tous les autres, puisqu’il ne produit que des articles ayant pour base des renseignements nouveaux voulant éclairer un point mal compris, se trouve à faire de la critique historique. Disons en passant, qu’à de rares exceptions près, nos reporters ne sont nullement qualifiés pour apprécier les travaux d’histoire et ils sont très mal à l’aise, naturellement, en voyant que les véritables érudits ne parlent pas comme les Bordeaux, les Lemaître, les Hanotaux ou les Rostand. Oh ! attendez ; quand nos quotidiens nous auront formés de leur saine littérature, alors nous pourrons produire des chefs-d’oeuvre. Pour le moment, adoptons la méthode des courtes études, des articles de revues, car elle répond à tout ce que nous désirons savoir. Sortons de la légende, du vague où quelques-uns de nos historiens et de nos poètes se sont complus. Trouvons la vérité, voyons scrupuleusement le passé des ancêtres, regardons par dessus les événements dont se composent nos annales ; ne nous payons pas des seules apparences épistolaires. Les historiens de la grande histoire, généralement, en mettent beaucoup trop dans leurs livres. En cela, ils imitent les littérateurs de la Grèce et de Rome qui, n’ayant à traiter que de légendes ou de sujets d’imagination, tâchaient de donner à leur style un charme exagéré par l’artifice du beau langage. N’a-t-on pas remarqué que les historiens grec et romains n’ont pas recours à ce moyen artificiel ? Oui. Ils sentent que l’histoire est assez intéressante par elle-même pour se passer de la parure littéraire ; ils se bornent à soigner la précision du langage et aussi la concision, deux choses que la rhétorique méconnaît puisqu’elle vise à l’envolée, à l’enflure, à l’étendue des phrases et à produire un certain vague, soit poétique ou littéraire, dont on ne tire que peu ou point d’instruction. La langue travaillée, surchargée et embellie par l’art, ne convient pas à l’histoire. La grande histoire étant le plus vaste et le plus compliqué de tous les drames ! comédies, romans, légendes, mythologie, etc., tout ce que l’on demande à celui qui se charge de nous la raconter est un plan simple, clair, marchant selon l’ordre chronologique, mais non pas des rassemblements de faits que l’on va prendre de tous côtés et à des dates lointaines les unes des autres pour former des chapitres spéciaux sur tel ou tel sujet. Je le répète, ce dernier mode ne convient qu’aux articles de revues. Gérard MALCHELOSSE de la Société historique de Montréal.