C’est alors que Lorenzo Lacroix et Hector Labelle se reconnurent.
L’assurance de ce dernier en imposait trop aux bandits pour qu’ils songeassent à l’attaquer de front ; ils sentaient bien que la ruse seule pouvait leur donner la victoire ; aussi, au lieu de se tenir côte à côte, ils se séparèrent, de sorte qu’Hector ne pouvait attaquer l’un d’eux sans tourner le dos à l’autre.
Donc, tandis que Noirmont se glissait derrière une table, à la gauche du jeune homme, le concierge manœuvrait sournoisement vers l’endroit où était étendue Blanche. Comme il étendait la main avec l’intention de ramasser le revolver, Hector crut qu’il projetait de se servir du corps de l’enfant comme d’un bouclier. Cette seule pensée aiguillonna sa rage et déclencha son attaque.
D’un bond, suivi d’un crochet à la mâchoire, il mit le vieillard hors de combat, pour quelques instants du moins, puis, se courbant vivement, il évita une chaise que Noirmont lançait vers lui à toute volée, jeta de côté la table qui le séparait de l’adversaire, qui, se voyant traqué, recula, jusqu’à l’angle de la pièce, cherchant un moyen désespéré de se sauver ; soudain, Hector le vit s’accroupir vivement et foncer sur lui, tête baissée, il eut juste le temps d’esquiver le terrible choc et Noirmont, emporté par son élan, alla s’effondrer contre Blanche.
À ce moment, Hector eut à faire face à Lorenzo Lacroix qui, remis de son étourdissement, se préparait à attaquer ; mais tous deux restèrent figés par un cri d’enfant terrifié, auquel répondait un hurlement de rage douloureuse. La petite Blanche, bousculée par Noirmont, avait repris connaissance et, voyant qu’il voulait saisir le revolver, avait jeté cet appel d’épouvante, tandis que la brute tentait de la bâillonner de la main ; de sorte que, sans le vouloir, l’enfant, en serrant convulsivement les dents, avait pris au piège un doigt du misérable, lui infligeant une cruelle blessure.
Hector, se débarrassant du vieux par une violente poussée, se jeta sur Noirmont et, sans plus songer à rien, lui fit subir un terrible châtiment, ne le lâchant que lorsqu’il s’aperçut qu’il tenait dans ses mains un homme inconscient.
Lacroix cependant, n’était pas revenu à l’attaque : le hasard avait voulu qu’il tombât sur le seuil de la chambre à coucher ; la vue de la fenêtre ouverte et l’audition de coups sourds frappés dans la porte, lui avaient inspiré l’idée de laisser son cher neveu se débrouiller tout seul et de chercher le salut dans la fuite.
Entre temps, la porte avait été enfoncée par un groupe d’hommes résolus et, après de brèves explications, Noirmont fut mis sous bonne garde, tandis qu’on ranimait Charlot, qui n’avait rien de moins qu’un bras cassé ; un docteur fut promptement amené pour faire un pansement provisoire.
Quant à Blanche, que toutes ces émotions eussent pu tuer, elle bénéficiait au contraire d’une sorte de miracle : sous l’influence de la terreur, ses pauvres jambes, qui depuis longtemps déjà n’obéissaient plus à son cerveau, avaient retrouvé la faculté de se mouvoir et de supporter son corps. Elle était naturellement très ébranlée par tous ces événements, mais le médecin, venu panser Charlot, déclara qu’ils lui avaient causé beaucoup plus de bien que de mal et qu’on pouvait espérer la voir bientôt en voie de guérison complète.
Quand Jeannette arriva, folle d’anxiété de trouver un rassemblement devant sa porte, un étrange spectacle s’offrit à ses yeux :
Des hommes de police s’apprêtaient à emmener son fiancé de la veille, tandis qu’Hector Labelle, beau comme un gladiateur triomphant, lui tendait les bras et que le docteur s’empressait de la rassurer au sujet de sa petite sœur.
Il convient de raconter ici quelques faits qui expliquent certains détails de la scène violente qui vient d’être relatée :
Contrairement au désir exprimé par Jeannette, le brave Charlot avait persisté dans son projet de télégraphier à Hector Labelle. Son bon cœur avait bien su trouver les mots qu’il fallait pour être certain que son ami accourrait sans délai à son message, ainsi conçu :
« Jeannette très malheureuse, a besoin de toi. Viens vite.
Hector avait reçu le télégramme le lendemain, car la distance était grande, et