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comme une délicieuse rosée après une chaleur brûlante, comme une intermittence de repos après l’effervescence de la fièvre : on comprendrait alors qu’il cède sans ménagement et jusqu’à l’imprudence à l’attrait irrésistible d’une studieuse volupté, à l’amour de son œuvre qui grandit et qui va s’achever.

En vain, les médecins, inquiets, lui ordonnent de se distraire, en vain les amis, la famille alarmée le supplient de prendre un peu de relâche, quelques semaines, quelques jours seulement : « Non, un peu plus tard ; encore ce mémoire à finir, ces épreuves à corriger, » jusqu’à ce que la plume tombe de sa main défaillante pour toujours.

Et nous les pleurons ces égoïstes sublimes, qui abrègent une existence si précieuse à tous par les jouissances de l’étude et par l’intempérance du travail. Non, ne les plaignons pas ; ne plaignons pas ce confrère illustre dont la perte nous est si amère. Ce n’est pas avoir acheté à trop haut prix, d’une grande part de ses jours, de telles félicités pendant la vie, une telle gloire après la mort. Le deuil, la plainte est pour sa famille, à qui sa présence était si charmante et si nécessaire ; pour ses disciples, qui n’entendront plus l’oracle de sa parole ; pour le monde savant, qui espérait de lui encore tant de richesses nouvelles ; pour l’Académie, qu’il aurait gouvernée si utilement, avec une autorité supérieure autant qu’acceptée, et qui ne peut plus attendre de ceux qui lui succèdent que le service du dévouement.

Je me souviens que, le jour où nous assistions à ces funérailles si tristement prématurées, nous nous représentions quelle eût été la douleur du père d’Eugène Burnouf, si, ce que l’âge rendait possible, il avait vu cette tombe s’ouvrir sous ses yeux. Heureux père, à qui la