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servir à vérifier l’exactitude de sa version ; car il voulait, avant tout, uniquement la vérité, qu’elle vînt de lui ou par un autre, dût-il encourir les rigueurs de la critique. L’amour-propre d’écrivain, les récompenses de la renommée n’arrivaient pas jusqu’à son âme. Il ne se dissimulait point qu’il n’avait pas pu en savoir plus que son maître, le destour qui lui expliqua le livre sacré, non sur l’original zend, que ce maître ne comprenait point lui-même, qu’il savait à peine lire, mais à l’aide d’une traduction pehlvie, qu’il entendait encore médiocrement. On aurait, par comparaison, la mesure des connaissances du docteur indien, si l’on supposait qu’un curé d’un village de la Bretagne ou de la Provence, possédant un texte des saintes Écritures en grec qu’il ne saurait pas du tout, l’interpréterait avec une traduction en langue latine, qui ne lui serait pas familière. Anquetil-Duperron, dont la loyauté égalait le courage, offrit à qui voudrait corriger ses fautes le texte original ; et, comme le Spartiate qui se félicitait que le peuple eût trouvé un meilleur citoyen que lui, il souhaitait que la vérité trouvât un interprète plus habile. Elle attendit soixante ans.

Jusque-là son livre fut, pour tous ceux qui écrivaient sur l’histoire des adorateurs d’Ormuzd, une autorité fondamentale et indubitable. Cependant on n’avait encore du Zend-Avesta qu’une version dont personne, en comptant le traducteur lui-même, ne lisait bien l’original, personne en Europe ni en Asie, personne chez les Parses même de l’Inde, qui le gardaient comme gage et symbole de leurs croyances.

Enfin, poussé par un instinct d’investigation et par un de ces pressentiments que le ciel envoie à ceux qui ont su s’y préparer, Eugène Burnouf examina les manuscrits