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Eugène Burnouf, dans son cours de l’École normale, créa l’enseignement de la grammaire comparée en France. Le professeur était tout au plus l’aîné de son auditoire ; il le domina tout d’abord, à défaut de l’autorité des ans, par l’ascendant de l’intelligence. Cette jeunesse de l’École, instruite assez pour acquérir l’instruction supérieure et définitive, et pour juger ceux qui la lui donnent, sévère, mais équitable, comme on l’est à cet âge, goûta avidement et reçut avec respect cette doctrine austère, forte et lucide. C’était pour eux la science nouvelle, dont ils n’avaient point vu d’exemple dans les livres, ni de modèle dans les cours publics, et qui leur offrait le double intérêt de la solidité du fond et de l’excellence de la méthode. Avec quel soin ils recueillaient dans leurs cahiers la substance de ces entretiens si utiles ! Avec quelle fidélité ils se sont transmis de promotion en promotion et se rappellent encore cette tradition écrite, comme parole du maître et oracle de l’École !

L’épidémie de 1832 éprouva cruellement le Collège de France ; trois de ses professeurs, dans la maturité de l’âge, du talent, des succès, trois inaugurateurs de cours sans précédents en Europe, succombèrent. Mais le sein de la France est inépuisable à réparer les désastres causés par les fléaux de la nature ou par les fautes des hommes : à Champollion, le révélateur de l’antique Égypte, succédait Letronne, l’interprète de l’Égypte grecque et romaine ; à l’ingénieux Abel Rémusat, un homme qui a reçu du ciel le don des langues, et qui a pris le pas devant tous les sinologues de l’Occident[1] ; à de Chezy, Eugène Burnouf.

Je n’ai pas eu le bonheur d’assister à son cours ; mais

  1. M. Stanislas Julien.