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celle dans laquelle Abel Rémusat devait avoir un successeur que l’Europe nous envie[1], celle où Chezy devait être effacé par Eugène Burnouf.

Je l’avouerai, au moment d’entrer dans le récit de cette vie si doctement laborieuse, je m’arrête effrayé de la grandeur du sujet et du néant de mon impuissance à louer, à juger, que dis-je ? à connaître tout ce qu’elle a produit, tout ce qu’elle avait préparé.

Ce serait une témérité à moi, si ce n’était un devoir, de vouloir seulement en retracer une ombre. Mais, en présence d’un beau débris, d’un chef-d’œuvre interrompu par un événement fatal, tout homme, s’il n’est pas inculte et barbare, et s’il est averti par la renommée, admire ce qu’il contemple, et on lui permet d’exprimer son sentiment, plutôt que son opinion, surtout s’il s’éclaire du jugement des maîtres. Ainsi tout ce discours sera l’écho fidèle, quoique affaibli, de ce que d’autres ont pu dire avec l’éloquence de l’amitié et l’autorité du savoir.

Les leçons de M. de Chezy achevèrent très heureusement de ruiner les projets de profession lucrative qu’on avait formés pour Eugène Burnouf. Son père avait commencé par mégarde et malgré lui d’en faire un philologue ; M. de Chezy en fit un indianiste qui ne fut pas de son école.

Chezy, douce et mélancolique nature, imagination élégante et classique, s’était épris surtout des formes et de la poésie de ce langage qui lui semblait une émanation de l’Éden ; et, soit esprit de système, soit désir d’attirer plus facilement son auditoire à cette littérature inconnue, il n’en montrait les beautés que parées de

  1. M. Stanislas Julien.