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Vers la Fée Viviane


Ne serai-je plutôt le chétif vagabond
Qui se coule sous les feuilles des haies,
Haletant aux galops sonnant sur la chaussée,
Rêvant à la fois d’ample espace et de prison ?

N’irai-je pas ainsi jusqu’aux épaisseurs vertes,
Des prés âcres de sève et cernés de ramures
Si drues, que l’on croirait voir de grasses clairières
En les bois vierges des beaux livres d’aventures,

Jusqu’aux prés aux parfums lourds où tu m’apparus,
Toi qui m’appris que la douleur d’aimer enchante,
Exquise belle illuminée d’yeux de soir pur,
Toi qui, ne méprisant l’écolier qui t’élut,
Promis en souriant d’être — plus tard — l’amante ?

Je vivrais là, très sauvage, un peu affamé,
Brûlé, transi, fléché, sous la loque amincie,
Par les longs javelots de cristal de la pluie,
Mais hanté du mirage de la forme aimée,

Et quand l’Été redirait son chant langoureux
Plein de soupirs ardents et de plaintes heureuses,