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de l’an 705 de notre ère et ne porte aucun point diacritique, comme les Qorans non datés qu’on attribue par conjecture à cette époque. M. Karabaček, dans son étude sur les papyrus arabes, n’a trouvé le point qui caractérise la lettre b que dans des documents datés de 81 à 96 de l’hégire (699 à 714) et le double point qui caractérise la lettre y qu’en 82 à 89 (700 à 707). Il est possible qu’al-Hajjaj, mort en 95 (713), soit le premier qui ait employé quelques points diacritiques ; cf. Lewis, ibid., p. xii.

Nous ne savons pas si les Arabes chrétiens de Hira-Coufa avaient un alphabet avant l’hégire (621) ; mais c’est chez eux qu’on a imaginé la plus belle écriture arabe, le coufique, écriture des anciens Qorans, et qu’on a imaginé les premiers points diacritiques, sous le calife ‘Abd el-Mélik (685-704).

Nous avons donc pu écrire au début que le premier livre arabe (Qoran) a sans doute été écrit par ‘Othman, avec l’aide de scribes syriens envoyés par Moawia[1]. Il était d’ailleurs pratiquement illisible pour qui ne le savait pas par cœur. Il a fait sa première apparition à Siffin (657), où les Arabes chrétiens, seuls à savoir alors ce que c’était qu’un livre, l’ont pris pour l’Évangile[2]. Trente ans plus tard, on a tâché, à Coufa, de le rendre lisible en lui ajoutant des points diacritiques.

  1. ‘Othman était d’ailleurs en relations de parenté avec les chrétiens de Syrie. Sa femme, Nâ’ila, qui a eu les doigts coupés en voulant le protéger, était de la tribu chrétienne de Kelb ; son père était chrétien. Cf. Ibn at-Tiktaka, Al-Fakhri, trad. d’Amar, Paris, 1910, p. 159.
  2. D’après Al-Fakhi, trad., p. 146, ‘Ali aurait dit à ses soldats : « C’est une perfidie, car personne chez eux (les Syriens) ne se conduit d’après ces Qurāns. » C’est aussi notre avis ; car les Syriens, en 657, ne connaissaient encore que l’Évangile et les quelques bandes de Bédouins, qui leur étaient mélangées, n’avaient souci d’aucun livre.