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                         HIERS BLEUS
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Sur le dernier dont la fuite glissante nous frôla
Une femme s’accoudait, languissante, sur la lisse :
Elle avait un sourire d’une grâce lasse
Comme résigné à de l’inconnu triste :

La caresse de ses yeux passa sur mes yeux
Et je rappris par une voix intérieure
Qu’elle vivait depuis toujours dans ma mémoire
Et que fuyait la mystérieuse heure propice
Avec la Triste appuyée sur la lisse,
La Triste que j’aimais depuis toujours sans le savoir.
                            *
                           * *
Et la seule chère allait aux périls des brumes,
Moi vers les vénéneuses profondeurs boisées,
Prisonnier de la barque, du passeur noir,
De l’enchantement vert de la lagune,
Trop sûr de poursuivre à jamais, sans grand espoir,
Dès que faibliraient les sournoises magies,
Un vain fantôme, peut-être, de l’Aimée,
Par les confuses écumes de vieux sillages
Illisibles sur l’immense Mer...