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sible ?… Contre d’autres personnes ? Ah ! ça, c’est une autre affaire ! Je dois vous avouer que je ne puis souffrir le médicastre Bid’homme. J’ai certes pour lui la compassion que commande son triste état, mais je m’exaspère quand je vois ce misérable fou auquel j’aurais le droit de mettre la camisole de force, cet aliéné ridicule faire trembler tout le monde ici, se conduire en tyran, crier, tempêter, injurier des gens dont le premier devoir serait de le doucher à jets niagariens, dût-il en crever, ce qui ne serait pas un grand malheur pour l’espèce ! Bid’homme ! Ah ! celui-là, oui ! Je l’abomine ! Cet être-là est un péril continuel pour les « malades » auxquels il ne comprend rien, qu’il peut tuer par méchanceté imbécile ! Ne vous déciderez-vous pas, Docteur, à enfermer ce fâcheux lunatique — ou ce qui serait plus charitable, à le renvoyer en Franche-Comté, dans sa famille, si cette famille consent à se charger d’un pareil démoniaque et à le tenir ligotté vingt-quatre heures par jour ?

Ah ! qu’ai-je dit là ! Le Docteur Froin change de figure ; il hausse tristement les épaules. Je le vois, — sa conviction est faite, maintenant : je suis un dément monomane atteint du délire de la persécution. Toutes mes idées, toutes mes préoccupations, toutes mes colères se concentrent sur Bid’homme ; je tiens absolument à ce qu’il soit fou ; je n’admettrai jamais qu’il ne poursuive pas d’une haine farouche les malades confiés à sa garde, — moi tout le premier !