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vrais magasins, qui recèlent encore une petite trompette et une gigantesque paire de lunettes noires. Il chausse les bésicles, embouche le buccin qui est — par bonheur — presque aphone et disparaît dans un autre couloir.

Le second ambulant, le sain, comme dit Léonard, avait attendu patiemment la fin du discours de Charlemaine. Il s’approche, maintenant, pour nous parler à son tour. C’est un adipeux garçon, jeune aussi — vingt-deux ou vingt-trois ans au plus — à physionomie fausse, basse et méchante. Il semble — (je vais patauger dans la contradiction) — il semble à la fois honteux et cynique. Ses yeux nous scrutent avec une impudence… inquiète. Il parle, sa voix est sourde, son accent pâteux :

— Léonard, vous savez que je hais la dénonciation. Mais je vois trop de cochonneries depuis ce matin ! — Je connais le voleur des litres de vin du réfectoire : c’est Topsent ! Il en cache deux dans sa veste chaque fois qu’il sort de table et va les boire aux cabinets. Je l’ai pincé aujourd’hui même ! — Socaux (de la seconde cour) a cassé un géranium, pour le plaisir d’abîmer… Et puis après, on dira encore que ce sont les gardiens qui détruisent les plantes pour offrir des bouquets aux infirmières, sans bourse délier.

Il a une intention en faisant cette dernière remarque. Son regard devient dur et encore plus sournois, si c’est possible, à la seconde où ses vi-