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— Ah ! voici Jean Jouillon, le prophète, qui reprend sa tournée. Il en a des manies, c’tanimal-là ! Le maintenant il se figure qu’il est un sale gosse qui « rigole dans les rues avec sa petite voiture » ; le tout-à-l’heure qu’il est « ambulant en légumes », en « basse cour » ou en « bibeloterie », une autre fois qu’il est un sartimbanque « affligé de prophétie ». On m’a dit qu’il avait « professionné de » camelot, de marchand de quatre saisons et même de gymnasiarche et de « débitant de boniments » dans les foires. Le v’là qui rapplique, méfiez-vous ! Il a la sacrée maladie de vous fiche des coups de pied dans l’cul — sauf votre respect — quand on ne fait pas attention à ses manières. À moi, ça m’est arrivé ; même une fois devant une dame en visite, — que j’en étais salement humilié. Oh ! à chaque ricidive je l’ai saerraï, c’qui s’appelle saerraï. Eh bien, y r’commence quand y peut. Il prétend qu’il tient cela de son père, celui qui se serait pendu si faudrait croire sa rengaine.

Comme pour « illustrer » les paroles de Léonard, Jean Jouillon s’approche sournoisement de mon gardien et — après une feinte, — lui porte, à l’endroit désigné, une botte, par bonheur assez lestement parée.

— Attends un peu ! j’te vas régaler ! clangore Léonard.

Le prophète-saltimbanque-fruitier-ambulant-camelot, — déçu mais prudent — fait l’étonné. Sa figure revêt une expression de bonté si phénoménale,