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moi seul qui lui adressasse les dernières paroles de consolation. Notez bien qu’il ne m’entra jamais dans la tête que j’eusse reçu les ordres et que les ornements sacerdotaux pussent me seoir mieux qu’une ceinture de sauvetage à un squale !… Mais dès que faiblissait ma volonté de reporter ma pensée sur d’autres sujets de préoccupation, j’étais horriblement tourmenté par le retour de cette vision grotesque : un Magne toujours aussi barbu et porteur du complet d’étoffe anglaise dont vous avez peut-être déjà — en vous-même — approuvé la coupe élégante et la nuance discrète, mais revêtu d’un transparent surplis qui laissait voir ce veston ventre-de-biche et cette cravate mauve et vert-de-gris, — un Magne dont les gestes de prédicateur et les filandreuses homélies stupéfiaient puis attendrissaient un petit bout d’homme simiesque roulé en boule dans ses couvertures. Le pis est qu’avec la plus ferme résolution d’épargner à mes compagnons habituels le spectacle de mon exécrable égarement, je me surpris bientôt à jouer toute la scène devant ces bons camarades indulgents mais faiblement ravis. Je voyais Bid’homme comme je vous vois, j’imitais même ses grimaces d’abord féroces puis béatement pieuses ; je l’exhortais avec un zèle toujours croissant et voulais obliger mes amis à déclarer que le hideux petit docteur était bien sous nos yeux… En même temps j’avais honte de mon rôle et me disais que j’étais comme ces enfants qui, jouant au soldat ou au marin, assis-