Page:Nau - Force ennemie.djvu/334

Cette page a été validée par deux contributeurs.

veine qui m’a bien servi jusqu’ici ? — La petite pièce d’argent de Cicéron Fanfan sera certainement un bon fétiche. Je la jette en l’air : si elle retombe face, je ferai route vers le Nord ; si elle me montre le côté pile, je mettrai le cap au Sud. — Face ! C’est décidément vers Saint-Pierre qu’il convient de cheminer.

À l’instant même où je reviens sur mes pas, l’augure est confirmé par un fait des moins étranges, mais en lequel je me plais à voir, alors, un mystérieux encouragement. Cette route des mornes, la « Trace », — à l’endroit où j’ai consulté le Fatum, — surplombe si bien les basses terres que n’apparaît plus à mes yeux le plus petit morceau de plaine : rien que la mer, toute de saphir lumineux :

Or, — exactement à la minute où mes regards se reportent sur le bleu des vagues, voici que semblent sortir de l’immense muraille de brillante végétation que j’ai sous les yeux, une pointe de mât, puis une vergue, deux mâts, trois mâts, puis toute une coque, — la coque de l’Augustine Bourdon, — parbleu ! — la seule sur rade qui soit peinte, — sous prétexte de gris, — d’un mauve presque rosé, reconnaissable à des milles de distance. Le bon voilier prend le large en m’abandonnant. Hurrah ! hurrah ! Saint-Pierre m’est ouvert à présent. Je vais traverser la ville, — la suivre, plutôt, dans toute sa longueur, et chercher au Nord, toujours au Nord, jusqu’à ce que la côte tourne…