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core « décrocher mabouya ». Le mabouya est un mystérieux et, du reste, imaginaire lézard dont on a parfois la gorge obstruée, le matin, aux Antilles. Ce saurien est fort méchant et — pourvu de terribles griffes, — s’accroche impitoyablement aux parois du pharynx de ses victimes ; rien ne peut lui faire lâcher prise, rien, — sinon un fort coup de rhum. Quand le mabouya est décroché, il est élégant d’ « envoyer gendâhme ». Envoyer un gendarme, c’est avaler une bonne goutte du déjà nommé rhum, puis se rafraîchir la bouche avec une gorgée d’eau qui doit suivre immédiatement l’alcool.

Enfin me voici en route, après avoir serré la main de Cicéron Fanfan, mon hôte.

Je crois qu’il n’y a pas, au monde, de meilleure population que celle de la Martinique, — (blanche, noire ou mulâtre).

Vais-je me diriger sur Fort-de-France ou commencer par demander où se trouve la femme du gouverneur de la Guadeloupe, qui doit être connue ? Les deux idées ne valent pas grand’chose. Il aura été inutile à Irène d’aller aussi loin que Fort-de-France pour trouver le bon air. Toute la colonie est admirablement saine, deux ou trois points exceptés, et si je parle de la « conjointe » d’un grand manitou colonial, — moi, vagabond mal équipé, — je puis devenir suspect. — Puis une obscure intuition me porte à retourner à Saint-Pierre. Le plus « sage » n’est-il pas de me fier à la