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« court-bouillon poisson » ou de soupe zhabitants au gombo et aux pois d’Angole.

On ne me demande ni ce que je fais dans le pays ni mes intentions futures. On m’installe proprement pour la nuit et je m’endors, tandis que mes hôtes chantonnent tout bas ou causent entre eux à petit bruit.

Au matin, après avoir insisté pour me faire déjeûner, le maître de la case avise mon couteau pendu à ma ceinture par un bout de fil-caret — et qui est sorti de ma poche. Il prend un air mystérieux et me fait une assez copieuse allocution en créole. Comme je ne comprends pas bien, il se donne la peine d’aveindre son français des jours de gala et me tient le petit discours suivant :

— Couteau-là est bavard. Il dit vous avez foutu camp d’un bateau. Oh ! ça pas bien dangereux, vous n’êtes pas marin-l’État, alors les gendâhmes-grosses-bottes (!!) yo vont pas couri’ après vous. Mais vous avez pas de l’âhgent en pile, est-ce pas, mon ché ? Suis pas riche, moi, mais ya toujou ion vié pièce-dix-sous pour les « côllègues » emmêhdés (Il gagne deux francs par jour et a sept enfants).

Et après une petite lutte, il faut bon gré, mal gré que j’empoche les cinquante centimes. Je fais semblant de rire, mais je crois que je n’ai jamais été aussi reconnaissant de ma vie. Comme on l’a dit souvent, l’intention est tout. Et ce n’est pas fini : avant de me mettre en chemin, je dois en-