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leur un peu entêtante mais délicieuse, dans les parfums des fruits et des fleurs. La fontaine à large vasque tintante chante sa chanson fraîche et la brise de mer, encore légère, fait doucement osciller les arceaux de feuillage. De grandes femmes sveltes et nonchalantes, — sombres yeux caressants, carnations noires, mordorées, chaudement pâles ou à la fois brunes et délicatement rosées, poitrines bombées, hanches en forme de lyres, — habillées de longues et multicolores « gaules » traînantes, coiffées de madras flambants, d’un jaune solaire ou teintés d’aurore ou de couchant — circulent, onduleuses, d’un pas balancé, entre les étalages de citrons verts et de piments écarlates, d’aubergines violettes, de tomates, de bananes, de tous les fruits antillais chatoyants et comme vernis, — de poissons sur lesquels frémit la lumière et qui sont des joailleries d’or rouge, d’argent et de nacre bleue et rose. — Tamisée pourtant par les frondaisons, la clarté devient parfois si vive, surtout dans le halo rayonnant qui semble émaner des aveuglants piments et des citrons verts que l’on jurerait que les étalages vont prendre feu.

Là-bas, de larges palmes se balancent dans l’air bleu poudré d’or.


Un gros petit boucher noir et luisant comme une mûre, fait, avec son coutelas, une musique (?) étourdissante sur l’une des tables de pierre, à seule fin d’attirer la clientèle. Une vieille bonne femme