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et surtout « récurer » sans tripoli, ce dont je ne suis pas médiocrement fier. Mais, si satisfait que je sois de moi-même, je n’arrive pas à convaincre le Capitaine de mes aptitudes nautiques. De temps à autre, quand je m’avise de montrer quelque vanité après la conclusion d’un travail que je juge tout à fait remarquable, — et peut-être surhumain, — il hausse les épaules et me dit sans méchanceté, avec un dédain plutôt cordial :

— Oui, vous êtes un bon petit vieux jeune homme, mais vieux, vieux pour tout cela et puis froussard et feignasson. Vous ne serez jamais foutu de commander même une « Marie-Salope » (une de ces dragues à vapeur qui enlèvent la vase des ports) ; je ne vous fiche plus à la barre, même en pleine mer, — vous ne faites que des embardées, — et dans les atterrissages je commettrais un crime en vous laissant au gouvernail ; car « ce serait alors que j’aurais envie de suicider mon équipage et moi avec ».

Il doit avoir raison, mais je suis vexé tout de même, surtout depuis qu’il a refusé de m’apprendre à « faire le point » en m’affirmant que j’étais trop idiot pour « y foutt’ goutte ».

Nous avons aussi passé quelques nuits désagréables avant de reconnaître les Açores. Les heures noires n’étaient jamais bien réjouissantes en plein Océan, tant que nous sommes restés dans la zone dite tempérée. Les ténèbres opaques, sans la vacillante clarté de la plus petite étoile, le froid in-