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rendre l’air respirable. Bientôt j’ai lieu de me féliciter de ma prudence. Des pas s’approchent de l’appentis ; une barre lumineuse souligne la porte ; prestement j’éteins ma cigarette et me couche en chien de fusil sur mes sacs malpropres. La porte crie. Un jet de lumière m’atteint en pleine figure ; j’ai la sensation que mes paupières toutes rouges, d’un rouge de coquillage, vont devenir diaphanes. — La voix de Pupin, le patron, celui qui m’a dépisté, barytonne caverneusement :

— ’l est endormai comme un yeuvre dans son geïte !

(Ce qui me prouve que mon ennemi, le molosse humain, n’a pas des notions très exactes sur les mœurs des lièvres. Cela le réhabiliterait aux yeux des sportsmen conservateurs. On peut d’ailleurs, condescendre à faire la chasse à l’homme et ne pas s’abaisser à braconner).

Je retombe dans le noir. Des heures s’écoulent. Je fume toujours, nullement ensommeillé mais abruti, — sans avoir la force de penser. C’est tout au plus si des images confuses passent dans une brume : Irène, le père Froin, Bid’homme, les deux nouveaux directeurs, François ligotté, Paris que je vais, peut-être, probablement revoir, — puis un certain couloir, blanc et glacial, de Vassetot qui m’inspire tout à coup une terreur vague. Les chiens ne bronchent plus. Le froid me saisit. J’allume encore une de mes petites bougies et regarde ma montre : une heure et demie.