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il écrase François absent aussi bien que François présent, l’intrus installé en moi insiste pour me faire compatir à ses malheurs d’une journée :

— Ah ! j’ai passé de vilains moments ! J’avais faim, j’avais soif ! (sensations trop connues sur Tkoukra !) — et ne pouvais rien demander. J’ai, de plus, été tourmenté par l’affreux pantin que tu appelles Bid’homme. C’est lui qui doit être fou ! Comparé à lui, tu me sembles des plus sensés ! Croirais-tu qu’il m’a fait maltraiter, m’a torturé lui-même ? — sans doute parce que je ne lui répondais pas ? Je ne comprenais plus ce qu’il me disait mais je suis presque sûr que mon mutisme était la cause de son exaspération. Aidé de François qui me maintenait, il m’ouvrait la bouche de force, voulait saisir ma langue qui lui glissait dans les doigts, — « naturellement ! », — mais non sans qu’il m’eût fait grand mal. Je l’ai mordu, d’ailleurs, et de toutes mes forces ! Après cela il m’a pris par les cheveux et par la barbe, a tiré comme un diable et a cogné mes mâchoires l’une contre l’autre ! — Voyant qu’il n’obtenait rien il m’a fait emporter loin d’ici, dans une grande chambre nue et triste où l’on m’a jeté, sur un ordre, dans un bassin d’eau glaciale. Puis on m’a dirigé sur la bouche un terrible jet d’eau ; mes dents en tremblent encore ! Ah ! le lâche ! Nous nous vengerons de lui ! Veux-tu ?

Le pauvre Tkoukrien ! On l’a vraiment bien supplicié en ma personne ! Je ressens des douleurs lancinantes dans la tête ; j’ai les mâchoires ébranlées