Page:Nau - Force ennemie.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vieille, et donne du travail aux trois coureurs lancés à ses trousses. Mais elle commet l’imprudence de se risquer sur la jetée : plus d’issue ! Elle a beau décrire des cercles, faire des crochets brusques, elle va être saisie par Léonard quand lui vient l’idée — plutôt malheureuse de se jeter à l’eau. Je la vois sauter, je la crois perdue ; mais nous avions compté, elle et moi, sans la file de barques rangées le long du môle. Deux pêcheurs occupés à déverguer une vieille voile se sont retournés au bruit de la poursuite et — la happent littéralement au vol.

On la hisse sur la jetée. Léonard et Robidor l’empoignent et, — sans trop la « saërraï », — la portent toute gigotante jusqu’à la voiture où ils la campent sur une banquette comme un paquet. Et en route !

Un peu mouillée malgré l’adresse de ses sauveteurs qui n’ont pu empêcher le bas de sa jupe de prendre un léger bain, sa robe collée à ses jambes, la mère Charlemaine paraît encore plus maigre, plus longue, plus fantastique. J’aperçois de loin M. Frédéric essoufflé mais jubilant qui se frotte les mains avec délices et Robertine qui montre le poing à son maître.

La folle pleure et, — après le premier moment de prostration, — fait une « musique du diable », suivant l’expression de mon gardien :

— Où c’est qu’on va, où c’est qu’on va ? crie-t-elle on se débattant, maintenue solidement par la poigne de Léonard. Cet agent de recrutement pour