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entre le chambranle et le battant, une vieille tête émaciée, fripée, mordorée comme un cuir de Cordoue, une vieille tête aux yeux noirs étrangement brillants qui ne me paraît pas tout à fait inconnue. Comme on n’y prend pas garde elle disparaît mais pour reparaître deux secondes plus tard sur un corps incroyablement maigre qui flotte dans un affreux caraco noir tout étoilé de graisse et un jupon de couleur indicible.

M. Frédéric lève les yeux et pousse un cri :

— Aïe ! voici la cousine !

La vieille dame, — cette tigresse ! — fait timidement quelques pas et dit d’une voix lamentable :

— J’ai faim aussi, moi ! et on ne m’a rien donné à manger !

M. Frédéric devient verdâtre et crie comme un écorché :

— Robertine ! Venez vite prêter main-forte à ces Messieurs !

La bonne entre, — côté cuisine ; — Léonard et le cocher sont déjà debout.

Je m’attends à une scène d’une rare violence quand les alliés s’approchent de la vieille pour la « maîtriser », mais elle se contente de répéter :

— J’ai faim aussi, moi !

La bonne ricane :

— Est-il couenne, Monsieur ! Alle est pas si féroce ! Je vas la prendre avec moi et lui donner « kekchose » à bouffer.

— Rien de ma table ! gémit M. Frédéric. Elle