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Mon gardien qui passait, avec des précautions infinies, un chiffon de laine imbibé de benzine sur le sommet de la blanchâtre coupole de feutre, grogne et se retourne de mon côté :

— Léonard ! qu’a dit le Dr  Froin ? Il ne me croit pas bon à doucher après un accès pareil ?

— Que non ! que non ! Il a raconté comme ça que vous vous étiez trop émotionné pour un homme dans votre état, que vous aviez eu une sorte de… Félicie… de Lucie Nation — (j’sais-t-y moi !), mais que ça ne durerait pas ; que celle-là était trop raide (non ! y s’est pas egzprimé comme ça), il a dit que c’était trop « philoménal » pour s’irriguer en système dans une cervelle ; qu’il avait jamais vu des idées « morvides » comme celle-là, qu’il en avait entendu parler mais que c’était tout ; que le calme allait revenir et que je pourrais « partir en mission » demain ; que le premier venu, François par exemple, serait capable de vous soigner jusqu’à mon retour, tant vous seriez paisible après ça. Voilà pourquoi je fourbis mon melon.

J’en suis fâché pour la perspicacité du Dr  Froin ; mais l’hallucination, si c’est une hallucination, ne veut pas me quitter. Je sens à ne m’y tromper que je ne suis plus « seul en moi ». Comment expliquer ce que j’éprouve sans dire des choses ridicules ? Je suis obsédé par une présence insupportable — même quand l’Être ne me tourmente pas violemment comme il le fit lors de la visite du Dr  Froin. Cet être semble assagi depuis quelques