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— « Aie, tu n’y penses pas ! Tu as donc envie que je me fasse pendre. »

— « Te faire pendre, ce ne serait pas une si mauvaise idée, tu sais. Pour un gueux comme toi, ce serait la fin la plus logique et la plus économique, en somme. Tu sais bien que, pour les gens de ton acabit, la mort naturelle est un luxe qu’ils ne peuvent se payer. »

— « Oh, je sais, mon vieux ! Je mourrai à crédit, comme j’ai vécu, et mes survivants paieront mes obsèques à tempérament. Ça, c’est certain ! »

— « Tandis que si tu te fais pendre, personne ne s’endettera. Pas de médecin, pas de pharmacien, pas de croque-mort à payer. »

— « Sais-tu bien, mon vieux, qu’après tout, tu as parfaitement raison. Si je me fais pendre, notre paternel gouvernement me fera cadeau d’une belle cravate à nœud et fournira gratuitement la potence, le bourreau et même le lot où l’on m’enterrera. »

— « Ça, ça enfonce l’instruction gratuite, c’est la mort gratuite ! C’est encore mieux que l’assurance-hospitalisation. Toi qui n’as jamais eu de prix, de bourse, de subvention du Conseil des Arts, ni même de doctorat ès lettres honoris causa ; toi qui n’as jamais vendu de livres à ta province, toi qui n’as pas vécu aux frais de la Princesse, ce sera à ses frais que tu mourras. Quelle revanche ! »

— « Assez, assez, tu me ravis !… Tiens ! Je veux être bon prince, mon vieux. J’inciterai le gouvernement à inviter mes rares amis et mes innombrables ennemis à ma pendaison, en leur imposant une taxe d’amusement. »

— « Et vu qu’il y aura foule, le gouvernement