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assombries de sa première campagne. Lorsqu’il entra dans la grande salle, les étoiles commençaient à briller, une petite brume blanche descendait sur les dunes. « Quel bonheur de se retrouver là à regarder par la fenêtre avec maman et tous ! »

Malgré sa fatigue, Ferdinand ne dormit guère cette nuit-là. Alors, se levant au petit jour, il sortit en évitant de faire aucun bruit. Enjambant la haie « juste à la place d’autrefois », il longea le mur extérieur pour entrer dans la ferme. Là encore tout restait dans le même état, des tas de fumier s’étalaient devant les bâtiments, des poules picoraient et des porcs grognaient, pourchassant les canards voraces.

Le père Quoniam distribuait leur tâche quotidienne aux servantes et aux valets ; mais apercevant Ferdinand :

« C’est-il Dieu possible, s’écria-t-il, que vous êtes donc enfin revenu des étranges pays, et un beau garçon point gêné à serrer les mains à votre fermier. Que je suis donc aise de vous voir ! Nous disions souvent à la veillée avec ma femme Fanny et Charlot : « Mettez là que s’il revient au pays, ce sera le même brave cœur et point fier… »

Un hennissement prolongé partant de l’écurie interrompit le discours du fermier, qui reprit :

« Ah ! pour sûr et certain que Pied-Blanc, nous ayant entendus, veut également vous souhaiter la bienvenue. Là, on y va, mon fieu, t’agite donc point ainsi. »

Joignant le geste à la parole, Quoniam ouvrit une porte, et Pied-Blanc, sortant comme un trait, commença par s’ébrouer et se rouler au milieu de la cour sur des bottes de paille ; puis, s’étant vivement relevé, il bondit en avant pour s’arrêter court et poser sa tête sur l’épaule de Ferdinand, hennissant alors très doucement et mordillant du bout des lèvres le cou et les joues de son ancien camarade, qui lui rendait ses caresses.

« Pas vrai qu’il y a point son pareil dans la Hague et encore moins au pays de France ? disait le fermier. A-t-il tant seulement pris un jour depuis votre départ ? Regardez s’il cherche point dans la poche de votre veste comme autrefois. »

En effet, Pied-Blanc avait toujours été un gourmand. Aussi, après son élan d’affection, fourrageait-il dans les poches de son ami, qui riait aux éclats en donnant au petit cheval les morceaux de sucre dont il s’était approvisionné au manoir. Quand tous furent croqués : « Allons, mon fieu, lui dit son maître, à présent tu vas te laisser atteler, car il faut rentrer le regain. Nous deux, monsieur Ferdinand, nous irons souhaiter le bon jour à la femme, qu’est bien rhuma-