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répondit aussi à son père, qui l’interrogeait sur les événements de cette première campagne, faite par lui comme aspirant de seconde classe à bord de l’Iéna, sur les côtes d’Afrique et dans la mer des Indes.

Marine et Paul questionnèrent à leur tour ce frère qu’ils aimaient et admiraient. Lui, après avoir beaucoup parlé, voulut apprendre tout ce qui s’était passé pendant son absence. Où en étaient les études de Paul, celles de Marine ? Au manoir, quoi de nouveau ? et à la ferme ? Et puis, leur vieille grand’tante était donc morte, « et sans nous déshériter ? » ajouta le jeune homme, en regardant cette jolie calèche, preuve d’une aisance nouvelle.

« Oui, répliqua M. de Résort, et la demoiselle de compagnie, bien d’autres aussi qui entouraient la pauvre femme, n’ont pas éprouvé plus d’étonnement que moi à l’ouverture de son testament.

— Mais pourquoi cette sœur de votre père vous éloignait-elle ainsi et annonçait-elle une ferme résolution de ne rien vous laisser depuis longtemps il me semble ?

— D’abord, c’était une femme très autoritaire, n’admettant jamais qu’elle pût avoir tort et qu’on ne suivît pas ses conseils, et nous adoptâmes ta sœur Marine malgré elle.

« Par parenthèse nous avons depuis acquis la certitude qu’à la fin de sa vie ma tante tombée sous la domination de ses domestiques et de sa demoiselle de compagnie n’avait aucune liberté et qu’elle dut se cacher pour écrire ses dernières volontés, dont un ami de la famille fut le dépositaire.

« Un premier testament trouvé dans le secrétaire nous dépouillait entièrement mes sœurs et moi ; mais, le second étant postérieur, nous gagnâmes promptement le procès qu’on eut l’audace de nous intenter contre toute justice ; cependant de première instance en cour d’appel, appel en cassation, nous ne fûmes mis en jouissance que le printemps dernier ; l’Iéna était en route alors et voilà pourquoi tu ignorais tout cela.

— Et, ajouta Mme  de Résort, la chose la plus bizarre c’est la première phrase du testament, ainsi conçue : « Je donne et lègue à mon neveu, etc., à cause de sa noblesse de caractère, de sa parfaite honorabilité et de sa grande charité, ayant beaucoup admiré celle-ci, lorsqu’il y a bien des années, au risque de se voir déshérité par moi, Jean, n’écoutant que la voix de sa conscience et les conseils de sa femme, adopta une petite orpheline. »

« Voyons, ne nous regarde pas ainsi, ma chérie… »

Ces dernières paroles s’adressaient à Marine dont les yeux se rem-