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Les chevaux brûlaient le pavé.


CHAPITRE IX

Dix ans après.


Des enfants étaient devenus des hommes. Au moment où nous reprenons ce récit, des révolutions avaient bouleversé l’Europe, et sur la terre d’exil une dynastie partageait le sort d’une autre qui avant elle avait occupé le trône de France. Une troisième dynastie s’apprêtait à gravir les marches de ce trône vacant.

De graves événements se préparaient alors… On prévoyait des conflits, peut-être la guerre.

Cependant la nature restait immuable, et, par une belle matinée d’automne, on la voyait « ornée de ses tons magnifiques », suivant l’expression d’un poète.

Attelés à une calèche découverte, deux robustes chevaux nés dans la Hague emmenaient la famille de Résort, en suivant la route de Biville à Sainte-Croix, au sommet du plateau. Dans un ciel sans nuage, le soleil monta à l’horizon, et tout à coup la lande parut illuminée. D’un aspect aride et sombre pendant l’hiver, cette lande immense prenait un air de fête ce matin-là avec ses hautes fougères d’un vert cru, mélangées à des touffes de bruyères en pleine seconde floraison, roses, lilas, rouges, blanches. Sous les fougères des lapins se montraient parfois. Friands des petites baies et des mûres sauvages,