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et c’est très vilain de m’appeler voleuse ; je ne vole jamais, entends-tu ? Laisse-moi emporter mes oiseaux, tu les effrayes en secouant leur cage.

— Ah ! je leur fais peur ; ah ! la dame te les a donnés ; eh bien, moi, je te les ôte et personne ne les aura, parce que je vais les tuer. »

Marine, effrayée, eut envie d’abord de se sauver. Mais étant une courageuse créature, elle ne voulut pas abandonner ses oiseaux, et tenta avec ses toutes petites mains de reprendre l’objet en litige. Devant cette résistance et fou de colère, Thomy arracha la cage, l’ouvrit, saisit les oiseaux et étouffa les jolies petites bêtes, l’une après l’autre. Ensuite il courut sur Marine, épouvantée, qui poussa des cris aigus.

Un malheur allait peut-être arriver, quand Charlot entendit les appels de Marine ; alors, coupant au travers de la pelouse, il saisit Thomy d’une main et de l’autre il lui administra une violente correction. Thomy se défendait, hurlait, essayait de mordre ; mais le géant ne s’en souciait guère et tapait toujours.

Mme de Résort arriva accompagnée de Ferdinand et de Fanny ; les deux derniers entourèrent Marine, qui sanglotait sans pouvoir se calmer.

Cependant Charlot avait interrompu la correction, mais il retenait le coupable ; celui-ci ne se défendait plus et tremblait.

Le berger parut enfin, très surpris en voyant Thomy qu’il croyait dans la lande avec le troupeau. Pastoures accompagnait son maître, mais il resta auprès de Marine, qui achevait de conter à Ferdinand la cause de son chagrin. Le chien se mit à gémir doucement et à lécher la petite figure couverte de larmes ; ensuite, comprenant à demi, et sans froisser une de leurs plumes dans sa gueule, il rapporta l’un après l’autre les trois oiseaux sans vie dans le tablier de la petite fille, dont naturellement les pleurs redoublèrent. Ferdinand, cette fois, faisait chorus, et Pastoures, n’essayant plus de deviner, baissa la tête, immobile, désolé et la queue entre ses jambes.

« Jamais on n’a vu une bête pareille, disait ensuite Fanny en causant de cette scène avec son neveu. C’est égal, ajouta-t-elle, t’as cogné dur, mon petit, et je ne te blâme point. Quel scélérat que ce Thomy ! Pour le coup, madame en aura assez, car il n’y a rien à espérer de ce démon d’enfant. »

En effet, le soir même, Mme de Résort et le berger s’entretinrent longuement de l’avenir réservé à ce malheureux petit garçon qui, justement la veille, avait été renvoyé du catéchisme. Le curé de Siouville, ayant avec raison jugé l’enfant étranger indigne de faire