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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

Quand ils eurent parcouru l’antique maison :

« Eh bien, Madeleine, dit M. de Résort, en s’adressant à sa femme, qu’en pensez-vous, et votre résolution ne faiblit-elle pas ? Ne serez-vous pas trop seule et triste ici ?

— Triste, oui, fort souvent, mon ami ; où ne le serais-je point durant votre absence ? mais aux Pins certainement moins que partout ailleurs, et puis la pensée du devoir accompli m’aidera et me soutiendra. Après cet horrible départ, je viendrai ici, j’y installerai nos livres, mon piano, quelques tapis, enfin des objets rapportés de vos voyages. Nous travaillerons, nous aurons bon courage et bonne volonté, n’est-il pas vrai, Ferdinand ? et puis nous regarderons en avant jusqu’au jour du revoir.

— Oui, maman, et je vous promets aussi de me corriger de mes défauts, de n’être plus paresseux. Vous le croyez, papa, et que pendant votre absence je ne causerai jamais de chagrin à maman ?

— Certainement, mon enfant bien-aimé, je te crois et j’ai foi en ta parole, car, tu le sais, une parole est sacrée ; je prends donc la tienne comme je prendrais celle d’un homme fait. Est-ce entendu, mon fils, t’engages-tu à remplir tous tes devoirs, et, si tu faiblis un moment, veux-tu me promettre de te relever promptement, plus courageux, plus résolu, sans lâcheté ni découragement ?

— Oui, papa, » s’écria l’enfant, les yeux brillants, ému et fier d’être traité en homme par ce père qu’il aimait et admirait par-dessus tout au monde.

On visita les chambres. Dans celle qui lui était destinée Ferdinand trouva un ancien secrétaire qui renfermait quantité de tiroirs et une très ingénieuse cachette.

Aux yeux du petit garçon, le meuble à lui seul valait tout le reste. Il y revint après avoir parcouru le jardin, parce que, dit-il à sa mère, il me faut bien comprendre le mécanisme du secret, et puis je l’expliquerai ce soir à Fanny ; vous aussi, maman, vous lui raconterez comme c’est joli les Pins ! »

…À la mort de ses parents, Jean et ses sœurs croyaient recueillir et partager une assez belle succession. Mais un homme d’affaires infidèle avait abusé de la confiance de M. de Résort père, et, l’héritage une fois liquidé, il se trouva que la ferme et le petit domaine des Pins revinrent seuls au fils aîné.

La ferme était louée mille écus. Cela, joint à la solde de l’officier de marine, ne constituait pas un état de gêne véritable ; mais, en comparant le présent au passé, Jean craignit un instant que sa femme ne souffrît de cette pauvreté relative. Aussi fut-il très heureux lorsque Madeleine, après lui en avoir démontré l’utilité, annonça à son mari