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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

pendant que le sang remontait à ses joues. C’est le bonheur, et, vous le savez, my dear, je suis encore faible… Et… dites-moi franchement, Résort, croyez-vous…, l’amiral…, votre mère… et Mlle Marine. Je resterai toujours un peu infirme…

— Mes parents ne peuvent désirer un gendre plus digne de ma sœur, et quant à celle-ci, j’ai une vague idée…, mais, de ce côté, je ne puis rien assurer ; venez d’abord parler à maman et à mon père. »

Les deux jeunes gens entrèrent dans le salon, dont les fenêtres ouvraient sur la terrasse où ils venaient de causer.

Leur figure parut étrange à Mme de Résort, qui les regarda d’un air étonné. Sa surprise s’accrut lorsqu’elle vit lord Keith tomber sur une chaise, sans ouvrir la bouche.

« Êtes-vous malade ? s’écria-t-elle. Mais qu’avez-vous tous deux ? Parle donc, Ferdinand, as-tu reçu une mauvaise nouvelle ?

— Non, mère, rassurez-vous, Harry Keith est seulement la proie d’un accès de timidité.

— De timidité avec nous ? » répliqua l’amiral, pendant que sa femme souriait déjà en éveil : « Explique-toi, Ferdinand, reprit-elle doucement, les yeux attachés sur la figure expressive de Harry.

— Eh bien, madame, eh bien, amiral, j’ai un ami, lord Harry Keith, pair d’Angleterre et l’un des héros de Balaklava…

— Résort ! fit Harry d’un ton de reproche.

— Si vous ne me laissez pas achever, parlez vous-même. Non ? Alors je continue. Le commandant Keith, un des héros de Balaklava, estimé de toute l’armée, profondément honnête et religieux, possédant une superbe fortune, a l’honneur de demander par ma bouche la main de Mlle Marine Marie-Madeleine, ma sœur bien-aimée… »

Quoiqu’ils eussent désiré ne pas se séparer encore de leur fille adoptive, la réponse ne pouvait être douteuse.

Au bout d’un moment, l’émotion un peu calmée : « Envoie-nous Marine, dit Mme de Résort en s’adressant à son fils, et ne lui parle de rien ; elle ne doit être influencée par aucun de nous. »

Ferdinand partit en courant, mais il évita de répondre, parce qu’il avait son plan.

Dans le jardin, Marine se promenait en compagnie du commandant Le Toullec ; tous deux regardaient Paul faire une immense partie de cache-cache avec Stop et Mademoiselle. À force de patience, de caresses et de friandises, l’enfant en était arrivé à créer une véritable liaison entre le chien et la guenon. Ayant reporté ses affections sur Paul, le lévrier faisait toutes les volontés du petit garçon. « Mais, au fond, disait Marine, au fond, Stop pense à son maître, je m’en aperçois quand il rêve. »