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PROPOS DE GUERRE ET D’HYMEN.

mari. Cependant la joie du retour était bien gâtée par ces pavillons en berne à bord de l’escadre française. Que de larmes très sincères furent versées ce jour-là, en souvenir du vaillant chef, la dernière grande victime de la guerre d’Orient !

Comme au jour du départ, la famille de Résort se tenait un peu à l’écart. Avec sa lunette, l’amiral venait d’apercevoir au large la grande chaloupe du Montebello.

Tour à tour chacun regarda, d’abord Mme de Résort, ensuite Marine et puis Paul. Le commandant Le Toullec était bien trop agité pour rester en place ; il se promenait le long du quai, bousculant les badauds, suivi de la « Damizelle ». Stop, assis auprès de Paul, remuait vivement sa queue et inspectait l’équipage de chaque embarcation ; le chien attendait aussi, mais celui qui ne devait jamais revenir.

Une demi-heure après, deux calèches découvertes déposèrent la famille, avec l’enfant bien-aimé, devant le perron d’une jolie villa située aux Tamaris, non loin de Toulon.

Appuyé sur deux cannes, un jeune homme reçut les arrivants, et alors ce furent de nouvelles exclamations joyeuses :

« Résort, my dearest.

— Harry, mon ami, mon cher… mon… Ah ! quel bonheur ! » s’écria Ferdinand, qui ajouta avec des larmes dans la voix : «  Quel bonheur complet, sans notre amiral et Langelle… »

Il n’y a, hélas ! pas de joie parfaite en ce monde. Et à la pensée de chacun revenaient sans cesse deux souvenirs désolés : l’un donné au chef mort dans sa gloire, l’autre s’en allant à l’ami que Stop demandait en hurlant tristement, depuis qu’il avait revu Ferdinand.

Après dîner, la main dans celle de Mme de Résort, Ferdinand répondit et interrogea, voulant apprendre jusqu’aux plus petits événements passés chez lui en son absence. La mort de Thomy fut aussi rappelée : les détails amenèrent un frisson chez Mme de Résort, Marine et Paul. Quelle punition et quelle fin !

Et puis Ferdinand s’enquit de la guérison de Keith, dont il ignorait les principaux détails.

« Parlez, mon cher commandant, s’écria Le Toullec en s’adressant à Harry, ne cachez rien ; vraiment l’histoire est curieuse, mille millions…, pardon, mille fois pardon, madame. »

Encouragé par un sourire de Marine, Keith raconta alors :

« Après le départ de ses amis français, resté seul, ayant fait son sacrifice, il attendait la fin, car, suivant les docteurs, sa vie était une simple question d’heures. Et le lendemain Mrs Arnold lui dit : « Mon cher enfant, chez moi, en visite, se trouve la supérieure des sœurs françaises de Constantinople, et cette dame m’affirme con-