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Précédant sa femme et son fils, M. de Résort quitta la cour, dont il longea le mur extérieur ; à une centaine de mètres, rencontrant une petite porte, il l’ouvrit, et tous trois franchissant cette porte se trouvèrent au bout d’un jardin. Alors Ferdinand poussa une joyeuse exclamation pendant que son père lui disait en riant :

« Petit bêta, petit oison, croyant d’abord à une mauvaise plaisanterie, tu as eu du chagrin, mais il ne faut pas pleurer à présent. Viens visiter notre propriété, elle n’est pas grande, cependant tu l’aimeras comme je l’ai aimée. »

Au commencement de ce siècle, le domaine des Pins, un très ancien manoir, avait été approprié et aménagé pour devenir une exploitation rurale assez importante, car de très grandes landes l’entouraient où paissaient de nombreux troupeaux.

Séduit par la position du manoir, le père de Jean s’en réserva la plus petite partie. Celle qui regardait la mer et l’anse de Vauville fut donc séparée de la ferme à laquelle elle était adossée. Entourant de murs bas et de haies d’arbres environ un demi-hectare de terrain, M. de Résort père dessina là un jardin où les pommiers se trouvaient mêlés à quelques arbustes d’agrément ; plusieurs massifs fleuris bordaient un potager ; des rosiers, des glycines, des fuchsias grimpaient en s’y accrochant le long de la vieille façade, dont ils encadraient les étroites fenêtres.

Au travers d’une éclaircie ménagée dans les arbres, on apercevait la mer verte ou bleue suivant le temps et le vent, la dune toute blanche, et par les beaux jours, au large, les îles anglaises. C’était bien là un vieux nid plaisant et confortable, où l’on comprenait que des enfants avaient dû être très heureux.

Le père de Jean étant magistrat, lui et sa famille passaient aux Pins seulement les vacances ; mais alors quelle joie pour tous, malgré la longueur des voyages en ces temps-là, avec le but en perspective !

Un perron en pierres vieilles et moussues conduisait à une grande salle voûtée, éclairée par quatre fenêtres ; cette salle n’était pas triste malgré les anciennes boiseries et les poutres noircies du plafond. On y voyait des meubles de toutes provenances, les uns curieux, datant des siècles passés, d’autres modernes et plus confortables, une vaste cheminée, dont le foyer rétréci devait très bien chauffer, deux ou trois paravents destinés à arrêter les courants d’air, plusieurs tables, une bibliothèque, de grands vases de faïence prêts à recevoir plantes et fleurs. Opposée à la cheminée, une porte ouvrait sur un passage conduisant à une petite cuisine et à un escalier en pierre ; celui-ci, placé dans une tourelle, se terminait à l’étage supérieur par un corridor sur lequel donnaient quatre chambres à coucher.