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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

« Non, mon ami ; non, commandant ; ce n’est pas mon frère, mais mon père qui est très malade… à Constantinople, et il demande à maman d’aller le soigner. »

En donnant cette triste nouvelle, Marine cacha sa figure avec ses mains ; dans la rue, elle avait pu arrêter ses larmes ; mais à présent elle sanglotait, Paul aussi.

« Ma chère Marine, ma petite amie, la malheureuse dame ! disait Le Toullec bouleversé, jurant aussi, mais tout bas.

— Pauvre enfant ! » répétait Langelle, les yeux humides.

Enfin Paul se calma et il instruisit ses amis : Le courrier d’Orient arrivé dans la matinée apportait une lettre de l’amiral de Résort, dans laquelle il apprenait à sa femme qu’il était malade à Péra, très bien soigné, mais avec une pleurésie, et il ajoutait : « Pas très grave cette pleurésie, ma chère Madeleine, le docteur affirme qu’il n’y a aucun danger, et, vous le savez, je dis toujours l’entière vérité ; il faut donc me croire, et ne pas laisser travailler votre chère petite tête. Ensuite, comme, malgré mes assurances, vous ne voudrez pas être tranquille, je vous propose de venir ici avec les enfants. En somme, cela se réduit à une question de dépense que, Dieu merci, nous pouvons écarter. Je vous attends donc très vite tous les trois… » La lettre se terminait par des indications touchant le départ des paquebots. Et, continua Paul, après avoir lu cette lettre, maman a tant pleuré, vraiment je ne croyais pas qu’on pût avoir tant de larmes dans les yeux, Marine aussi, moi comme elles, et Fanny tout de même avec Charlot dans la cuisine. Et puis, j’ai dit à maman : « Si j’allais chez le bon commandant, peut-être sait-il autre chose de papa. » Et maman a répondu : «  Oui, vas-y avec ta sœur, mais il ne peut rien savoir ; pourtant il nous rendra le service de s’informer à la préfecture maritime, où la maladie de votre père doit être connue, et là M. Le Toullec, de ma part, demandera l’autorisation d’envoyer un télégramme à mon mari : cette autorisation étant nécessaire pour expédier des dépêches privées en Orient. »

— J’y cours, s’écria Langelle, chez votre mère d’abord, mademoiselle, et puis à la préfecture porter sa dépêche.

— Merci, monsieur, vous êtes très bon, » dit Marine, qui reprenait un peu de courage.

Ensuite le commandant Le Toullec ramena ses jeunes amis. Ils trouvèrent Mme de Résort résolue à dominer son chagrin en attendant une réponse de son mari. Ayant envoyé chercher le médecin, elle espérait que celui-ci l’autoriserait à s’embarquer, le cas échéant, en se faisant porter, immobile. Cependant le docteur arriva bientôt, pour se montrer des moins encourageants :