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Bouat de prendre ses positions en arrière du plateau quand la feu était déjà vivement engagé sur toute la ligne jusqu’à Tarkantar.

Au grand trot de son cheval, en suivant le fleuve, Ferdinand rencontra bientôt un régiment de chasseurs et en tête un officier d’état-major, auquel il expliqua le but de sa mission.

« Très bien, répliqua l’officier, bonne chance, vous trouverez sûrement la division Bosquet avant le pont de Bourliouk. »

À quelques mètres, la route se trouva de nouveau obstruée par une demi-batterie d’artillerie que son attelage s’épuisait à amener sur une roche presque à pic, seul accès au chemin indiqué pour atteindre la grande montagne, où l’on entendait déjà les feux de mousqueterie. Chercher un autre passage eût perdu un temps précieux.

« Dételez, cria un lieutenant en sautant à bas de sa monture, dételez promptement. »

L’ordre exécuté, l’officier ajouta : « Poussez, épaulez, poussons, il faut arriver, il le faut, mes enfants ; montrons la route à ceux qui nous suivent. »

Le lieutenant donnant l’exemple, lui et ses artilleurs accomplirent cet effort dont les chevaux avaient été incapables. Et un quart d’heure à peine écoulé, la batterie était de nouveau attelée.

« En avant, marche ! cria le lieutenant ; en avant et à l’assaut ! »

Cette batterie et son lieutenant, M. des Essarts, tirèrent les premiers coups de canon contre les Russes.

Ferdinand repartit électrisé. Son cœur battait à la pensée de la bataille engagée. La grande voix du canon ébranla bientôt les environs.

Tout à coup deux balles sifflèrent à raser la casquette du cavalier, et derrière l’un des grands arbres du bord de la route une tête parut pour disparaître presque aussitôt, et un cri aigu fut répété par l’écho.

Instinctivement, avec son revolver, Ferdinand avait ajusté cette tête, un instant visible. Ensuite le cheval s’emporta et ne s’apaisa qu’en vue du pont de Bourliouk.

Un capitaine passait à cheval.

« Une lettre du général Bouat, lui dit Ferdinand, pour le général Bosquet.

— Le général Bosquet ? Mais il est là derrière cet épaulement, je suis son officier d’ordonnance, et nous faisons une halte de dix minutes avant de gravir la montagne à notre tour. »

Aussitôt les deux officiers s’approchèrent d’autres qui entouraient un général dont la haute mine intimida Ferdinand et auquel s’adressa l’officier d’ordonnance en disant :