Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouilla d’abord à Eupatoria pour laisser aux transports le temps de rallier.

Pendant la nuit, le chef d’état-major de l’armée française et le général Canrobert allèrent sur le Primauguet reconnaître la place que devaient occuper nos escadres.

L’ennemi ne paraissait pas ; silencieuse et déserte, la : plage s’étendait à perte de vue.

Le 14 septembre, Eupatoria se rend sans coup férir et les vaisseaux y laissent le convoi. Ensuite les escadres alliées mouillent devant la petite baie où l’Alma se jette à la mer.

Debout et comme ressuscité, sur la dunette de la Ville de Paris, le maréchal suit les manœuvres et accompagne du regard le débarquement qui s’effectue.

Les détachements de troupes de marine campent déjà sur la falaise du côté sud.

À neuf heures du matin, les troupes arrivent en masses compactes, suivies de près par les forces anglaises.

À midi, le débarquement est terminé et toutes les hauteurs sont occupées, pendant que sur les bâtiments qui longent la côte on continue une canonnade destinée à tromper l’ennemi.

À deux heures, les deux commandants en chef quittent l’escadre et abordent à Old-Fort ; aussitôt montés à cheval, chacun parcourt les rangs. Les cris, les vivats partent de tous côtés, le soleil brille et les pavillons de l’armée alliée sont plantés sur le sol de la Crimée, l’ennemi n’ayant rien tenté pour empêcher le débarquement.

Le 17 septembre, l’armée entière (soixante mille hommes) bivouaque sur la plage dans les environs d’Old-Fort. Des prisonniers affirment que les Russes n’en possèdent pas davantage en Crimée.

La rapidité de la marche peut assurer le succès de l’expédition. Une première victoire sera-t-elle décisive ? Pour la remporter il faut traverser l’Alma, culbuter les forces ennemies, camper sur le plateau, et ensuite, en profitant du désordre causé par la défaite, se remettre en route, livrer sans doute un nouveau combat, et certainement un troisième sous les murs de Sébastopol, attaqué en arrière par l’armée alliée, pendant qu’à l’entrée de la baie nos flottes bombarderont la ville.

… Le maréchal de Saint-Arnaud faisait ce rêve magnifique tandis qu’il ordonnait de lever le bivouac d’Old-Fort. Ses souffrances calmées, se reprenant à l’espérance, il se voyait déjà vainqueur, la capitale de la Crimée rendue et lui-même dans quelques mois ramenant à Paris ses légions victorieuses. Sur cette terre lointaine