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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

— Convenu, convenu, » dit Thomy, livide, et dont une sueur froide inondait le visage, car il avait peur et cette peur le faisait trembler ; mais sa haine l’emportait sur sa lâcheté.

…Ferdinand longeait les quais déserts, la nuit était noire, les lanternes fumeuses éclairaient mal, et deux ou trois fois il trébucha parce qu’il ne regardait pas à ses pieds ; le cœur gros, il songeait à son père, à Marine, auxquels il venait de dire adieu. Une embarcation devait se trouver au bout de la jetée à deux cents mètres environ, et, en entendant sonner huit heures à une horloge de la ville, l’aspirant pressa le pas d’abord, bientôt il se mit à courir.

Cette course déconcerta deux hommes cachés derrière une muraille. Cependant, après une seconde d’hésitation, les misérables s’élancèrent à la poursuite de l’aspirant, que l’un d’eux atteignit promptement : c’était le capitaine malouin ; mais Ferdinand crut à une plaisanterie de l’un de ses camarades.

« C’est toi, Davanne ? cria-t-il ; dépêchons-nous ; nous sommes en retard. Ah ! fit-il, comprenant enfin, à moi !… »

Il n’eut pas le temps d’achever un cri d’appel, car il gardait son sang-froid et il savait les hommes de la baleinière à portée de l’entendre… Il se vit bâillonner, la bouche fermée par une main vigoureuse, les bras serrés comme dans un étau. « Mon Dieu ! ayez pitié de moi ! » pensa-t-il.

Tout à coup quelque chose brilla, il entendit une détonation et aussitôt il se sentit libre ; il vit alors Stop qui sautait sur lui et le couvrait de caresses, pendant que des matelots couraient aux alentours en essayant de percer les ténèbres et de rejoindre les deux assassins qu’ils avaient vus disparaître le long des rochers…

Bientôt arrivèrent des officiers de la frégate anglaise et les enseignes qui devaient retourner à bord avec Ferdinand, puis d’autres personnes attirées par le bruit, enfin un douanier brésilien ; ce dernier eût dû être à son poste, sur la jetée, mais il n’y était pas. Il reçut la déposition de Ferdinand avec celle des matelots, qu’un des officiers présents traduisit.

Cette dernière déposition se réduisait à ceci : Les matelots de la baleinière attendaient les officiers du bord en compagnie de Stop, que Ferdinand avait laissé en garde au patron, pendant une course qu’il fit après avoir dit adieu à son père et à sa sœur. Tout à coup Stop, tenu en laisse, s’agita, hurla, renifla et voulut s’échapper.

« Sûr et certain, il y a quelque chose, cria le patron ; mes enfants, prenons un fanal, j’ai un petit bijou de pistolet, lâchons le chien, et en avant.

— Quelle bêtise ! répliqua un matelot ; l’animal sent son maître.