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— Certainement que je veux bien ; faut-il partir tout de suite ? répondit le jeune fermier.

— Oui, merci. »

« Nous sommes restés seuls, c’était ce que désirait Thomas. Je l’installai de mon mieux et il me sembla tout à fait remis. Je lui parlai de mon espoir renaissant.

« Non, non, touchez mon cœur et mon pouls, répliqua-t-il, je ne souffre pas ; mais la vie s’en va. Donc, monsieur Ferdinand, après que vous aurez conduit ici la dame et la demoiselle, voudriez-vous point faire une chose pénible et ennuyeuse pour satisfaire un vieux homme qui vous a tant chéri ?

— Certainement, Thomas, dites vite.

— Eh bien, Thomy est à Cherbourg, matelot et mauvais matelot, indiscipliné, toujours puni, toujours révolté. Voici un papier où vous trouverez les indications nécessaires, et, si vous pouviez me l’amener ce soir, avant le lever de la lune, ah ! monsieur Ferdinand, peut-être que les dernières paroles d’un chrétien feraient alors mieux qu’aucune autre ! Il faut vous dire que j’ai toujours aimé Thomy quoiqu’il fît et malgré les chagrins qu’il me causait, peut-être parce qu’il était abandonné, enfant trouvé comme je l’ai été moi-même… »

« Père, je me sentais bien ému, continua Ferdinand, et je promis à Thomas de lui obéir en tout au sujet de ce malheureux garçon. Ensuite, aussitôt que le prêtre et Jean Quoniam furent en vue, je m’empressai d’accourir ici. »

À cet instant Mme de Résort et Marine rentrèrent dans la salle, et Charlot annonça que le cabriolet était attelé.

« Eh bien, Charlot, conduisez d’abord ces dames là où elles vous indiqueront, dit M. de Résort, ensuite nous vous rejoindrons à la croix de Biville ; prenez de bonnes couvertures, les soirées sont fraîches et nous ne reviendrons certainement pas avant la nuit, car, ajouta-t-il en s’adressant à Ferdinand, je t’accompagnerai à Cherbourg, où mon autorité sera peut-être fort utile pour obtenir une permission à Thomas. »

…. Six heures sonnaient aux horloges de la ville lorsque le cabriolet de M. de Résort quitta la cour de l’hôtel de l’Amirauté ; le temps s’était refroidi, mais les voyageurs portaient de chauds vêtements et le robuste cheval sentait l’écurie ; frais et dispos, après un repos de plusieurs heures, il brûlait le pavé. Les deux messieurs causaient à voix basse.

Sur le siège de derrière, Charlot essayait parfois d’arracher un mot à son voisin ; celui-ci répondait seulement par monosyllabes